Derrière chaque avancée législative en matière d’assurance emprunteur se trouve une instance discrète mais déterminante : le CCSF. Ce Comité Consultatif du Secteur Financier, peu connu du grand public, joue pourtant un rôle essentiel dans la protection des emprunteurs. C’est lui qui, depuis plus de quinze ans, formule les recommandations qui ont permis l’émergence de la loi Hamon, de la loi Bourquin, et plus récemment de la loi Lemoine.
En bref
– Le CCSF est un organe consultatif placé auprès du ministre de l’Économie qui émet des avis sur la réglementation bancaire et assurantielle.
– Ses recommandations ont directement inspiré les grandes réformes de l’assurance emprunteur depuis 2010.
– La loi Lemoine de 2022, permettant la résiliation à tout moment, est l’aboutissement de plus d’une décennie de travail du CCSF pour renforcer la concurrence et protéger les consommateurs.
Sommaire
Qu’est-ce que le CCSF et quel est son rôle ?
Le Comité Consultatif du Secteur Financier (CCSF) est une instance officielle créée par l’article L. 614-1 du Code monétaire et financier. Placé sous la présidence du ministre chargé de l’Économie, il rassemble des représentants des professionnels du secteur financier, des associations de consommateurs, des parlementaires et des experts.
Sa mission ? Formuler des avis et des recommandations sur toutes les questions liées aux relations entre les établissements financiers et leurs clients. Le CCSF ne légifère pas directement, mais ses travaux influencent fortement les décisions du législateur. En clair, il agit comme un pont entre les réalités du terrain et les textes de loi.
Dans le domaine de l’assurance emprunteur, le CCSF s’est particulièrement illustré en dénonçant les pratiques opaques des banques et en proposant des solutions concrètes pour rétablir l’équilibre entre établissements prêteurs et emprunteurs. Ses rapports annuels constituent des documents de référence, consultables sur le site officiel ccsf.fr.
Pourquoi le CCSF s’intéresse-t-il autant à l’assurance emprunteur ?
L’assurance emprunteur représente un marché colossal : près de 8 milliards d’euros de cotisations annuelles en France. Pendant longtemps, ce secteur est resté dominé par les contrats de groupe proposés par les banques, souvent plus chers et moins personnalisés que les offres du marché.
Le CCSF a identifié plusieurs dysfonctionnements majeurs dès le début des années 2010 : manque de transparence sur les tarifs, difficultés pour comparer les offres, obstacles à la délégation d’assurance, absence d’information claire sur le droit de résiliation. Face à ces constats, le Comité a multiplié les rapports et les recommandations pour pousser le législateur à intervenir.
Bonne nouvelle : ces efforts ont porté leurs fruits. Chaque grande loi sur l’assurance emprunteur depuis 2010 s’inspire directement des travaux du CCSF. Retour sur quinze ans de combat pour vos droits.
Les grandes recommandations du CCSF depuis 2010
2010 : la création de la fiche standardisée d’information (FSI)
La première avancée majeure portée par le CCSF date de 2010. À l’époque, les emprunteurs se retrouvaient souvent démunis face à des propositions d’assurance illisibles et impossibles à comparer. Le CCSF a alors recommandé la mise en place d’une fiche standardisée d’information (FSI), obligeant les assureurs à présenter leurs offres selon un format unique et lisible.
Cette fiche détaille les garanties proposées (décès, PTIA, ITT, IPT), les exclusions, et permet une comparaison objective entre contrats. Ce que dit la loi : l’article L. 312-9 du Code de la consommation impose désormais la remise de cette FSI à chaque candidat emprunteur, dès la première simulation de crédit.
2014 : le renforcement du droit à la délégation avec la loi Hamon
En 2013, le CCSF publie un rapport accablant sur les obstacles rencontrés par les emprunteurs souhaitant choisir une assurance externe. Les banques usaient de méthodes dissuasives : délais de réponse rallongés, exigences de garanties démesurées, absence d’information sur la possibilité même de déléguer.
Ce rapport a directement inspiré la loi Hamon de 2014, qui instaure un droit de résiliation durant la première année du prêt. Pour la première fois, un emprunteur pouvait résilier son contrat de groupe sans attendre l’échéance annuelle, à condition de respecter le principe d’équivalence de garanties.
2017 : la résiliation annuelle avec la loi Bourquin
Le combat ne s’arrête pas là. Malgré la loi Hamon, les emprunteurs restent captifs après la première année. Le CCSF continue de militer pour une ouverture totale du marché. En 2017, la loi Bourquin (également appelée amendement Bourquin) introduit le droit de résilier chaque année à date d’anniversaire du contrat.
Cette mesure, préconisée par le CCSF dès 2015, change la donne. Les banques doivent désormais composer avec une concurrence permanente. Soyons précis : la loi impose un préavis de deux mois avant la date anniversaire, et la banque ne peut refuser une résiliation si le nouveau contrat présente des garanties équivalentes (Source : Legifrance, Code de la consommation, article L. 113-12-2).
2022 : la révolution de la loi Lemoine
L’ultime étape arrive en 2022 avec la loi Lemoine. Le CCSF avait recommandé dès 2020 d’aller plus loin en supprimant toute contrainte calendaire pour la résiliation. La loi du 28 février 2022 exauce ce vœu : désormais, chaque emprunteur peut résilier son assurance à tout moment, sans frais ni pénalité.
La loi Lemoine introduit également deux autres mesures phares, toutes deux suggérées par le CCSF : la suppression du questionnaire médical pour les prêts inférieurs à 200 000 euros par personne et remboursés avant 60 ans, et la réduction du délai du droit à l’oubli pour les anciens malades de cancer et d’hépatite C.
Ces avancées constituent l’aboutissement de plus de dix ans de recommandations répétées du CCSF. Un lecteur m’a récemment écrit après avoir économisé 11 000 euros sur son assurance emprunteur en changeant de contrat grâce à la loi Lemoine. Ce type de réussite n’aurait jamais vu le jour sans le travail de fond du Comité.
Impact concret des avis du CCSF sur les banques et les consommateurs

Les recommandations du CCSF ne sont pas contraignantes au sens juridique, mais elles exercent une pression considérable. Lorsque le Comité publie un rapport critiquant certaines pratiques bancaires, les établissements savent que le législateur peut s’en saisir rapidement.
Prenons un exemple récent : en 2021, le CCSF dénonce les délais excessifs de traitement des demandes de délégation d’assurance. Certaines banques mettaient jusqu’à trois mois à valider un dossier, décourageant de fait les emprunteurs. Suite à cette alerte, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) a renforcé ses contrôles et sanctionné plusieurs établissements.
À retenir : le CCSF ne sanctionne pas directement, mais ses travaux alimentent l’action de l’ACPR, qui elle dispose d’un pouvoir de sanction. Les banques le savent et adaptent progressivement leurs pratiques pour éviter d’être épinglées dans les prochains rapports du Comité.
Pour les consommateurs, l’impact est tangible. Chaque recommandation du CCSF se traduit, à moyen terme, par plus de droits, plus de transparence, et des économies substantielles. La loi Lemoine a permis à des centaines de milliers de ménages de renégocier leur assurance emprunteur, avec des gains moyens estimés entre 5 000 et 15 000 euros sur la durée totale du prêt.
Le CCSF et la loi Lemoine : une étape décisive pour les emprunteurs
La loi Lemoine représente l’aboutissement logique des recommandations formulées par le CCSF depuis 2010. Dans son rapport de 2020, le Comité avait explicitement appelé à une « résiliation infra-annuelle », estimant que la contrainte de la date anniversaire freinait encore trop la mobilité des emprunteurs.
Ce que dit la loi désormais : l’article L. 313-30 du Code de la consommation, modifié par la loi Lemoine, stipule que « le contrat d’assurance peut être résilié par l’emprunteur à tout moment, sans pénalité ni frais, au-delà d’un délai de douze mois à compter de la signature de l’offre de prêt ». En clair, vous pouvez changer d’assurance quand vous voulez, à condition de respecter l’équivalence de garanties.
Le CCSF a également joué un rôle clé dans l’instauration du devoir d’information annuelle des banques. Depuis le 1er septembre 2022, chaque établissement prêteur doit rappeler à ses clients leur droit de résilier, ainsi que le coût de leur assurance sur les huit dernières années. Cette transparence obligatoire, recommandée par le CCSF dès 2019, facilite la prise de décision des emprunteurs.
Un bon réflexe : consultez votre espace client bancaire ou demandez ce récapitulatif à votre conseiller. Vous pourriez être surpris par le montant total payé et réaliser qu’un changement d’assurance s’impose.
FAQ – CCSF et recommandations assurance emprunteur
- Le CCSF peut-il obliger les banques à modifier leurs pratiques ?
- Où puis-je consulter les recommandations officielles du CCSF sur l’assurance emprunteur ?
- Quelle différence entre les recommandations du CCSF et les textes de loi comme la loi Lemoine ?
- Le CCSF intervient-il dans le traitement des litiges entre emprunteurs et banques ?
- Quelles sont les prochaines recommandations attendues du CCSF en matière d’assurance emprunteur ?
- Comment le CCSF a-t-il contribué à la suppression du questionnaire médical ?
- Les recommandations du CCSF s’appliquent-elles aussi aux prêts professionnels ?
- Puis-je me référer aux recommandations du CCSF pour contester un refus de résiliation ?
Sources & Méthodologie
Cet article s’appuie sur les rapports officiels du Comité Consultatif du Secteur Financier (CCSF) publiés entre 2010 et 2025, consultables sur ccsf.fr. Les références juridiques proviennent du Code monétaire et financier (article L. 614-1) et du Code de la consommation (articles L. 312-9, L. 313-30 et L. 113-12-2), accessibles sur Legifrance.gouv.fr. Les données chiffrées sur les économies réalisées par les emprunteurs sont issues des études de la Banque de France et de l’ACPR.
Date de publication : 12 novembre 2025
Les informations contenues dans cet article sont fournies à titre indicatif et ne constituent en aucun cas un conseil juridique ou financier personnalisé. Pour toute situation spécifique, il est recommandé de consulter un professionnel qualifié.
Par Clara Morel — Spécialiste assurance emprunteur.
